[Long] Le Chant de FereNeela

Auteur: pradal_pir <pradal_pir_at_...>
Date: Thu, 04 Sep 2003 17:04:57 -0000


Le Chant de FereNeela

Alors que les Voix des Ancêtres, commencent à chanter, une Vieille Femme s'avance au centre de l'Assemblée et dit :
"Je suis Harla Regard-Blanc, Fille de Inge Deux-Cris, Fille de Yrsa
Pas-de-Larmes.
Je suis la Première des Trois Langues, Je suis la Voix du Passé, Je suis le= s
Racines de Vidlain ! Racines Profondes, Grand Tronc."

Une seconde femme, plus jeune, au ventre rebondit, les seins nus et lourds =

de lait, s'avance au centre de l'Assemblée et vient se placer aux côtés de =

Harla. Elle dit :
"Je suis Leika Poitrine-Dorée, Fille de Harla Regard-Blanc, Fille de Inge
Deux-Cris.
Je suis la Seconde des Trois Langues, Je suis la Voix du Présent, Je suis l= e
Tronc de Vidlain !"
"Racines Profondes, Grand Tronc." interrompt Harla Regard-Blanc.
"Grand Tronc, Belles Feuilles !" renchérit Leika Poitrine-Dorée.

Une troisième femme, plus jeune encore, s'avance à son tour au centre de l'Assemblée et vient se placer aux côtés de Leika. Les Voix des Ancêtres se=  

font murmures pour ne pas couvrir sa petite voix lorsqu'elle dit :
"Je suis Orana Premier-Sang, Fille de Leika Poitrine-Dorée, Fille de Harla =

Regard-Blanc. Je suis la Troisième des Trois Langues, Je suis la Voix du Futur, Je suis les Feuilles de Vidlain… "
"Racines Profondes, Grand Tronc." interrompt Harla Regard-Blanc.
"Grand Tronc, Belles Feuilles !" répond Leika Poitrine-Dorée.
"Belles Feuilles, Doux Fruits !" termine Orana.

Orana lève alors les bras et entonne :

J'ai accompli le Voyage et je suis revenue. J'ai contemplé les Montagnes Sacrées et je suis revenue. Je ne suis plus une enfant et vous devez écouter ma voix ! Pour symboliser ma seconde naissance, et parce qu'il s'agit maintenant de mon droit, je vais vous conter le FereNeela, l'histoire d'Amald Fils d'Aran= .

J'en appelle aux Racines et au Tronc, qu'Ils m'abreuvent de la Sève et du Sang ! Puissent les Gardiens des Six Directions s'éveiller et tenir l'espac= e qui
les sépare pour mon récit ! Je demande au Seigneur des Légendes de m'investir de son pouvoir. Je demande à la Dame Inspiratrice de s'installer=  en
moi et de partager avec moi les mots sacrés. Puisse le Don de la Chouette Blanche s'éveiller en moi !

Je parle du temps où la Roue du Chaos maudissait le ciel; Du temps où Elle s'abreuva du Sang;
Du temps où les tribus furent divisées et brisées; Du temps où les Vents Furieux furent enchaînés; Du temps où les Voies Sauvages furent ouvertes.

Vous vous souvenez tous d'Avara, Fille de Elgan Deux-Sangs Akkelson connu pour avoir forgé le pacte de l'Ombre-Verte avec Ceux-Qui-Rampent-dans-les-Ténèbres, lui même fils de Kyrla Rêve-Debout. Vous vous souvenez tous de l'amour qui l'unissait à Amald, Celui-Qui-Vint-de-la-Forêt.
Vous vous souvenez tous que ce dernier n'est pas né sur nos terres mais qu'en lui coulait le Sang car il était fils d'Aran Trois-Vœux, lui même fil= s de
Jorlan Foudre-Regard, lui même fils de Heran Trois-Fois-Maudit du sang maintenant tari des Deux Cercles Dragons Bleus. Vous vous souvenez tous comment, en une Année d'Epreuve d'Amour, il gagna le cœur d'Avara.
Vous vous souvenez tous comment il chassa pour elle le Cri-Solitaire qui hantait alors nos terres et ramena son Ombre; et comment elle lui en fit un=  

manteau.
Vous vous souvenez tous comment il combattit pour elle Fléau-des-Fleurs et =

ramena ses Noires Antennes et comment elle lui en fit deux lances : Soif-de-Vie et Frappe-Eclair.
Vous vous souvenez tous comment il retrouva pour elle la Dernière Feuille e= t
le Dernier Gland du Evendilla et comment elle lui redonna vit : il protège =

toujours notre clan et notre Sang car en lui coule la Sève-d'Or. Vous vous souvenez tous du jour de leur mariage, des vœux qu'ils échangèrent et du Vent d'Espoir qui naquit lorsqu'ils unirent leurs Souffle= s.
Vous vous souvenez tous des mots d'Avara :

Ne suis-je point là ?
Ne suis-je point là, moi qui suis ta femme ? Sous ton Ombre et ta Protection.
Ne suis-je pas ta Source de Vie ?
N'es-tu pas au creux de mes bras ?
As-tu besoin d'autre chose ?

Et ce jour là, le Vent d'Espoir qui naquit, enfla et gonfla le ventre d'Ava= ra.
Deux saisons plus tard, Nalda Deux Visages, sur ce ventre, devait se penche= r
et s'écrier :

Deux Souffles, un Vent !

Un Vent d'Espoir,
Un Vent de Peine,
Un Vent d'Espoir,

Un Vent de Haine
Un Vent, deux Souffles !
Deux Souffles d'Espoir,
Deux Souffles de Peine.

Les deux jumeaux, frère et sœur, naquirent une saison plus tard. Cette nuit=  là,
vous vous souvenez tous d'avoir gardé le silence. Et la nuit fut pleine des=  

hurlements d'Avara Elgandotter.
Et sous le regard de Theya, lorsque les hurlements d'Avara cessèrent et que=  

Nevaleesa Mains-Rouges, les yeux pleins de larmes, apporta à Amald son fils et sa fille, vous vous souvenez tous d'avoir gardé le silence, lorsqu'= il dit :

N'êtes-vous point là ?
N'êtes-vous point là, vous qui êtes mon Fils et ma Fille ? Sous mon Ombre et ma Protection ?
Ne venez-vous pas de la Source de Vie ?
N'êtes-vous pas dans le creux de mes bras ? Ai-je besoin d'autre chose ?

Ce jour là, vous vous souvenez tous d'avoir gardé le silence. Et ce jour fu= t
plein des hurlements d'Amald Aranson.

La naissance des jumeaux fut accueillie comme un espoir : la bénédiction de=  

la forêt était sur le clan. Et ces deux bénédictions nous les appelâmes : F= eren
Sans-Cri et Neela Reflet d'Avara. Et même si tous pleuraient la mort d'Avar= a,
tous savaient qu'il en était ainsi : l'Ancienne Alliance avait son prix !

La Forêt donne, la Forêt prend !

Et tous acceptèrent de payer le prix. Tous, sauf Amald Aranson. Son cœur hésitait entre amour et haine, comme jadis ceux de son Sang avaient toujours hésité entre paix et rage. Il abandonna l'éducation de ses=  

enfants au clan et s'enfonça seul dans la forêt. Il parti et, au début, devait revenir régulièrement. Mais plus le temps pas= sait et
plus les enfants grandissaient, plus les visites d'Amald se firent rares. Certains disaient que Feren et Neela ressemblaient trop à leur mère et que =

Amald Aranson ne pouvait supporter de contempler leurs visages. Mais tous savaient que Amald Aranson redoutait déjà le jour où les Deux Fruits d'Avar= a
lui seraient ravis par la Forêt. Car telles sont nos traditions.

La Forêt donne, la Forêt prend !

Les périodes d'absence d'Amald Aranson se firent de plus en plus longues, mais à chacune de ses visites, il revenait les bras chargés de dons et de présents pour le Clan et son Sang.
Puis, finalement, Amald ne revint plus. Les Voix des Dieux disaient qu'il a= vait
été pris par la forêt et qu'il avait pour maîtresse la Dame Sauvage. Certains chasseurs du clan rapportaient l'avoir vu aux limites de la Tula, =

ombre furtive parmi les ombres, sous la protection des Arbres Pères. D'autr= es
entendaient parfois l'Appel de son Cor : le suivre était une promesse de Chasse Merveilleuse.
Et c'est ainsi que naquit la légende de Amald Gors-Traqueur Aranson. Sa renommée de chasseur et traqueur devint légendaire, chacun reconnaissait en lui un Fils de l'Ours comme Terre Lointaine n'en avait pas=  

connu depuis des générations.

La Forêt donne, la Forêt prend !

Passent le Temps et les Saisons, onze Temps Sacrés durant, Feren et Neela grandirent dans l'insouciance, protégés et élevés par le Clan. Ils étaient = tous
deux inséparables et, plus le temps passait, plus ils ressemblaient à leur =

mère.
Lorsqu'ils eurent onze ans, Feren et Neela furent initiés aux mystères du c= ulte
des Bêtes Jumelles et s'apprêtèrent à réaliser leur destinée. Ce fut ce jour bénit, au crépuscule, qu'Amald Aranson choisit de revenir parmi les siens.

La Forêt donne, la Forêt prend !

Il argua du droit du Sang et obtint du Cercle Clanique le droit de garder s= es
enfants avec lui pendant la nuit. Cette nuit là, il tatoua sur chacun de le= urs
poignets les Cercles Dragons Bleus qui étaient la marque de sa lignée. Une fois marqués, ils s'adressèrent d'une seule voix à Amald Aranson et dirent :

Ne sommes-nous point là ?
Ne sommes-nous point là, ton Fils et ta Fille ? Sous ton Ombre et ta Protection.
Ne sommes-nous point de la Source de Vie ? Ne sommes-nous point là, portant la Marque de ton Sang ? As-tu besoin d'autre chose ?

Le lendemain, Feren et Neela firent leurs adieux à leur Sang, à leur Clan e= t à
leur Père. Ils s'enfoncèrent dans la forêt et entreprirent la Quête Mythiqu= e des
Bêtes Jumelles.

La Forêt donne, la Forêt prend !

Parcourant les Gors et les Gallt. Sept années durant ! Se transformant chaque année en un nouvel animal totem. Sept années durant !
Donnant naissance chaque année à un nouveau et unique rejeton femelle. Six années durant !
Sacrifiant leur Fruit sur les Autels Sauvages et Ancestraux des Gors et Gal= lt.
Six années durant !

A la fin de la septième année, alors que Feren et Neela touchaient au but, =

Neela fut incapable de mettre bas son septième rejeton. Ses gémissements de douleur se firent entendre pendant des jours, couverts par les hurlement= s
de colère de Feren. Tous devaient se rendre à l'évidence : leur quête avait=  

échoué.

La Forêt donne, la Forêt prend !

Jusque-là protégés par le clan, les deux quêteurs étaient devenus un danger=  

pour la communauté. Les Flèches d'Appel de la Chasse furent tirées, transmissent de stead en stead, de clan en clan. Et chaque clan, chaque stead envoya son meilleur chasseur. Les chasseurs réunis, on leva les Tabous et les Interdits qui protégeaient Feren et Neela depuis sept ans fur= ent
levés au cours d'une cérémonie; et les chasseurs purent se mettre en route =

pour traquer et abattre les deux bêtes.
De son côté, Amald réuni autour de lui un groupe de six jeunes chasseurs. E= t,
entouré de ses compagnons, il se lança dans la traque bien décidé à retrouver Neela avant les autres chasseurs du clan.

La Forêt donne, la Forêt prend !

Amald fut guidé par l'amour qu'il portait à sa fille et, accompagné de ses =

compagnons, il devait la découvrir parturiente et agonisante au fond d'une =

combe.

Ni Amald ni personne, ne put rien faire pour sauver Neela. Malgré sa peine,=  

Amald du se résoudre à l'achever et dans un dernier baiser, il aspira le dernier souffle de Neela.
Sa peine ne tarda pas à se transformer en rage, et sa rage en haine. Il rej= eta
toute la faute de la mort de Neela sur Feren, son fils, qui n'avait pas su = venir
en aide à sa soeur.
Fou de douleur et de rage, Amald reprit sa traque.

La Forêt donne, la Forêt prend !

Sept jours durant, traversant vallées et ravines, cours d'eau et montagnes,=  

Amald et ses compagnons traquèrent Feren. Sept jours durant, ils arpentèrent les Voies Sauvages sur les traces de Fer= en.
Sept jours durant, ils s'enfoncèrent toujours plus profondément dans la For= êt.
Sept jours durant! Sans prendre de repos, ni même le temps de manger ni de =

boire.
Le septième jour, Amald et ses compagnons étaient perdus. Ils ne reconnaissaient plus leurs terres ancestrales. Le paysage leur était étranger, tout comme les étoiles qu'ils distinguées d= ans
le ciel et les Esprit animaux qu'ils percevaient dans les ténèbres des Gran= ds
Arbres. Ils étaient ailleurs. Au plus profond de Vidlain, l'Arbre Monde, la=  

Grande Forêt Primordiale, l'Espace Sauvage Sans Fin. Tout au long de cette course effrénée, Feren s'était transformé. Il n'était=  plus
humain. Ni animal. Peut-être quelque chose entre les deux. Une Bête Sauvage qui ne pouvait être vaincu par de simples hommes en ces terres mythiques.
La nuit du septième jour, la Dame Sauvage vint en songe à Amald et lui promit la victoire. Mais, en contre partie, Amald seraient éternellement à = son
service.
A l'aube tous prêtèrent serment.

La Forêt donne, la Forêt prend !

Le huitième jour Feren s'attaqua à eux, puis à son tour profitant de leur e= ffroi,
se mit en chasse.

Sept jours durant, un à un, il les traqua.
Sept jours durant, un à un il les trouva.
Sept jours durant,un à un, il les tua.

Sept jours durant! Sans prendre de repos, ni même le temps de manger ni de =

boire.
Le septième jour, traqué, à bout de souffle, vaincu, Amald s'arrêta pour fa= ire
face à son poursuivant et les deux, Père et Fils, devenus étrangers et ennemis, se firent face.

La Forêt donne, la Forêt prend !

Du lever du soleil au coucher, ils luttèrent. Et la Forêt résonne encore du=  

tumulte de leur âpre combat.
Sang et Larmes !
Comme la Dame Sauvage l'avait promis, sur Feren, Amald l'emporta ! Sang et Larmes !
Comme la Dame Sauvage le lui avait demandé, sur Feren, Amald se pencha !
Sang et Larmes !
Et, comme la Dame Sauvage le lui avait demandé, Amald aspira son dernier souffle.

La Forêt donne, la Forêt prend !

Et, tout redevint calme. Du tumulte plus rien, pas même un écho. En Amald, les esprits de Feren et Neela s'unifièrent et devinrent FereNeela= .
Et Amald se redressa et il dit:

Deux Souffles, un Vent !

Un Vent d'Espoir,
Un Vent de Peine,
Un Vent d'Espoir,

Un Vent de Haine
Un Vent, deux Souffles !
Deux Souffles d'Espoir,
Deux Souffles de Peine.

Depuis ce jour, Amald Aranson et ses compagnons hantent nos forêts. Ils gardent les Voies Sauvages et arpentent sans relâche les Gors et les Gallts= .
Parfois, à la nuit tombée, le Cri de FereNeela retentit dans la forêt comme=  

Amald souffle de son cor.
A son Appel, tous nous disons:

Ne sommes-nous point là ?
Ne sommes-nous point là,
Sous votre Ombre et votre Protection ?
Ne sommes-nous point de la Source de Vie ? Ne sommes-nous point du Sang ?
Avons-nous besoin d'autre chose ?

Je suis Orana Premier-Sang, Fille de Leika Poitrine-Dorée, Fille de Harla Regard-Blanc.
Je suis la Troisième des Trois Langues, Je suis la Voix du Futur, Je suis l= es
Feuilles de Vidlain…
"Belles Feuilles, Grand Tronc !" reprit Leika Poitrine-Dorée.
"Grand Tronc, Racines Profondes !" ajouta Harla Regard-Blanc.

Je suis Orana Premier-Sang et maintenant mon récit est terminé.

Fin

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