[Campagne]Ch.27: Le peuple des étoiles

Auteur: eliane_jaulmes <jaulmes_at_...>
Date: Wed, 07 Jan 2004 18:06:09 -0000

Rappel :
Présentation de la campagne :
http://fr.groups.yahoo.com/group/Glorantha_VF/message/8329 Chapitre précédent :
http://fr.groups.yahoo.com/group/Glorantha_VF/message/9223

Alors que le chaos menace autour des héros, Énéric pousse un cri d'avertissement. Une importante troupe de cavaliers est en train de traverser la plaine et se dirige droit vers eux. Impatient d'en découdre avec ces nouveaux ennemis, le Pentien donne des talons et Morigain bondit par dessus une vaste crevasse. Le cheval blanc part comme l'éclair en direction de cette nouvelle menace. Derrière leur chef, les cavaliers des plaines lancent leurs montures dans un galop infernal. Il leur faut constamment bondir par dessus des failles naissantes et zigzaguer pour éviter de sombrer dans les abîmes. Après un instant d'hésitation, Hybban, Ambroise et les sorciers s'engagent à leur suite. Ils ont du mal à garder le contrôle de leurs chevaux affolés par le grondement qui monte des profondeurs. Heureusement, en s'éloignant de l'endroit où Darastus s'est enfoncé dans le sol, les tremblements perdent en intensité et les crevasses se font moins nombreuses.

En se rapprochant des cavaliers, Énéric aperçoit un petit enfant qui court devant eux en zigzaguant. Il ne perd pas le temps de s'interroger. Une faille est en train de s'ouvrir, barrant la route de l'enfant. Morigain bondit souplement au-dessus du gouffre. Fugitivement, le cavalier se rend compte que la peau du garçon est d'un beau bleu sombre. Les questions viendront plus tard. Énéric se penche et, d'un mouvement souple, attrape l'enfant par la taille. Il le dépose derrière lui, en lui recommandant de bien se tenir. Il sent les petites mains du jeune garçon qui se crispent sur sa taille.

En hurlant des cris de guerre, les Pentiens déferlent sur les cavaliers lunaires à la suite de leur chef. Les épées s'engagent contre les sabres et le fracas des armes s'élève sur la plaine. La mêlée est rapide et brutale. Les cruels cavaliers des steppes ne font aucun quartier. Le sang lunaire coule et se fond dans le sable rougeâtre. L'un des cavaliers tente de fuir mais sa monture trébuche dans une faille qui s'ouvre sous ses sabots. Son cavalier disparaît en hurlant dans le gouffre sans fond. Aussi brutalement qu'il avait commencé, l'assaut est terminé. Les Pentiens sont vainqueurs et leurs ennemis gisent à terre.

Ambroise et les sorciers rejoignent leurs compagnons victorieux. Hybban, légèrement en arrière du reste de la troupe, remarque une piste qui croise la trace des cavaliers. Elle semble se diriger vers une rangée de petites montagnes qui brillent au loin dans la lumière rouge. L'oeil de l'Odaylan est immédiatement attiré par les empreintes qui s'enfoncent lourdement dans le sable. Les cinq traces de griffes qui marquent le sol ne lui laissent aucun doute : un ours est passé par ici. Jetant un regard hésitant vers ses compagnons regroupés autour d'Énéric, Hybban sent un frisson de curiosité lui parcourir l'échine. Cette étoile recèle apparemment des mystères intéressants. Le chasseur oblique vers les montagnes et commence à suivre à la piste.

Pendant ce temps, le Bateau-Lune s'est approché doucement du groupe de cavaliers. Tout le monde entoure l'étrange petit garçon bleu avec curiosité. Effrayé par tous ces regards tournés vers lui, il enfouit son visage dans la cape d'Énéric. Les questions pressées des héros ne reçoivent que des coups d'oeil apeurés et des dénégations muettes. Ambroise échange un regard avec Aldharyk. Ce dernier hausse les épaules en faisant une grimace. Un soupir exaspéré retentit derrière eux. Leena Seela écarte les guerriers sans ménagement et s'approche de l'enfant. Elle s'agenouille près de lui et lui parle d'une voix douce en lui caressant les cheveux. Bientôt, le petit garçon lève la tête vers elle, un sourire hésitant sur le visage. La jeune femme le prend dans ses bras et foudroie les héros du regard. ``Vous lui faites peur, tous, avec vos épées luisantes de sang et vos grosses voix.'' Puis elle se tourne vers l'enfant bleu. ``Dis-nous d'où tu viens et pourquoi ces mauvais hommes te poursuivaient.'' Le petit garçon répond, un peu hésitant. Sa voix est claire et mélodieuse. Elle sonne aux oreilles des héros avec un léger tintement qui
évoque les étoiles. ``Les méchants hommes rouges ont
emprisonné mon papa et ma maman. Ils les ont enfermés dans la grande tour creuse, là-bas.'' Son petit doigt bleu se tend dans la direction d'où venaient les cavaliers.

Un grondement plus fort que les précédents secoue la terre de la plaine. Autour du groupe de héros, le sol continue de se fissurer. Les failles s'étendent de plus en plus loin. L'étoile ne résistera plus très longtemps. Énéric tend son sabre dans la direction indiquée par l'enfant. ``Suivez-moi ! Allons voir quels rituels maudits ces lunaires sont en train d'accomplir !'' Les ululements de guerre des Pentiens saluent cette décision. Les cavaliers repartent au grand galop. Leena Seela embarque dans le Bateau-Lune en portant toujours l'enfant bleu dans ses bras et le capitaine ordonne de mettre le cap sur cette fameuse tour creuse.

Pendant ce temps, Hybban se rapproche de la barre rocheuse. C'est en fait une chaîne de petites collines rouges. Les traces deviennent plus difficiles à suivre sur le sol rocailleux. Le chasseur est obligé de deviner la piste par endroit mais son instinct ne le trompe pas. L'ours a gravi la pente et s'est dirigé vers les versants abrupts. Étrangement, les tremblements de terre se font moins sentir dans les collines. En arrivant au pied d'une falaise découpée, les traces s'interrompent brutalement. Hybban lève la tête. Une ouverture sombre se découpe à quelques mètres au-dessus de lui. C'est l'entrée d'une grotte. Le chasseur observe la paroi avec attention. L'escalade lui semble réalisable. Assurant son carquois et son arc sur son dos, Hybban attrape les premiers rochers saillants et commence à grimper. Quelques instants plus tard, il se hisse sur le rebord qui marque l'entrée de la grotte. L'ouverture est noire. Une forte odeur animale s'échappe du tunnel. C'est la tanière d'un ours. L'Odaylan pousse un grognement guttural et adresse une rapide prière à son dieu. Il pénètre dans l'ouverture sombre et lance un long appel inquisiteur demandant l'autorisation de pénétrer sur le territoire de l'occupant des lieux. Seul le silence lui répond. Il faut un moment pour que ses yeux s'habituent à l'obscurité ambiante. Le chasseur avance précautionneusement, attentif au moindre bruit. L'odeur animale se fait plus forte au fur et à mesure de la progression. Curieusement, la lumière rouge venue de l'extérieur s'estompe rapidement et il semble à Hybban qu'il distingue une lueur bleutée devant lui.

Le chasseur débouche bientôt dans une vaste caverne dont les extrémités se perdent dans les ténèbres. La forme assoupie d'un ours immense est recroquevillée à quelques pas de lui. L'étrange lumière bleue semble émaner de l'animal endormi et pulse doucement au rythme de sa respiration. Le chasseur s'approche avec précaution mais l'ours ne paraît pas entendre les pas de celui venu troubler son sommeil. La bête est colossale et l'adorateur du dieu ours ne peut s'empêcher de la contempler avec admiration et révérence. Hybban pose une main sur sa fourrure soyeuse et s'aperçoit alors avec émerveillement qu'elle est d'un beau bleu profond. L'ours est profondément endormi et ne tressaille même pas à ce contact.

L'Odaylan reste un instant interdit, ne sachant quelle attitude adopter. Puis, invoquant les secrets du dieu ours, il tisse autour de l'animal l'appel du printemps. La fraîche fragrance des premières fleurs et le chant joyeux des oiseaux sont l'écho de sa magie. Bientôt, la bête endormie remue et s'agite dans son sommeil. La respiration de l'immense animal s'accélère alors qu'il s'éveille progressivement de son long repos. La lumière bleue qui rayonne de son pelage s'intensifie. Hybban tressaille en remarquant brusquement que l'oeil noir de l'ours est ouvert et fixé sur lui. Lentement, nonchalamment, l'énorme animal se redresse de toute sa hauteur et s'étire. Sa fourrure bleue brille intensément et l'Odaylan recule de quelques pas, intimidé. L'ours approche son museau de l'humain qui l'a réveillé. Le chasseur n'ose faire un seul geste, de peur d'offenser l'animal. Un grondement caverneux monte de la gorge de l'ours bleu qui se transforme en une voix profonde et grave. ``Qui es-tu, petit homme ? Es-tu venu me tourmenter comme l'ont fait les adorateurs du dieu rouge dans le ciel ? Je pourrais te dévorer d'une seule bouchée mais je sens sur toi l'odeur de l'ours. Allons, explique-toi !'' Hybban appelle en lui Odayla, le grand dieu ours, et grogne ses salutations et son respect. Il se présente et explique comment il a suivi les traces de l'ours jusque dans la caverne. Il a tiré l'animal de son sommeil car l'étoile est en proie à de terribles tremblements de terre depuis la mort de Darastus et qu'elle menace de se briser d'un instant à l'autre. Comme pour accentuer ses paroles, un grondement sourd
ébranle à cet instant la caverne et plusieurs pierres chutent avec
fracas. L'ours bleu médite longuement ces paroles. Alors qu'Hybban commence à se demander s'il s'est bien fait comprendre, l'animal reprend la parole. ``Ainsi le géant de douleur est mort. C'est une bonne nouvelle. Pour te remercier de l'avoir chassé de ces terres, je vais te donner mon nom. Je suis Ertélénari, la mère des Ours Bleus. Le deux pattes m'avait chassée de mes terres, mais maintenant, il est temps pour moi de retrouver mon territoire.''

La mère des Ours Bleus se lève et suit le tunnel jusqu'à sa sortie. Le chasseur lui emboîte le pas. Le paysage de la plaine est bouleversé. Des failles immenses déchirent le sol. À chaque instant, de nouveaux pans de rocher basculent dans les profondeurs. Aucun passage ne permet maintenant de traverser l'étendue dévastée. La retraite est coupée. Alors qu'Hybban contemple le paysage ravagé avec effarement, Ertélénari bondit au bas de la falaise. La mère des Ours Bleus avance résolument, droit devant elle. Un miracle se produit alors. Le sol agité de soubresauts se calme sous ses pas maternels. Derrière elle, la poussière rouge disparaît pour laisser la place à une petite herbe rase de couleur bleue. Devant elle, les failles se referment comme des blessures qui se cicatrisent. Les arbres rouges et torturés se transforment en de grands sapins aux aiguilles bleu sombre. La lumière rougeâtre qui éclairait l'étoile reflue devant Ertélénari et le monde s'illumine d'une douce et pâle lueur bleutée. Émerveillé, Hybban s'avance dans les pas de la déesse lancée à la reconquête de ses terres.

Pendant ce temps, Énéric et les Pentiens galopent à bride abattue à travers la plaine. Le Bateau-Lune et le navire de Dormal les suivent dans le ciel. Bientôt, devant eux, une haute tour sombre se dessine à l'horizon. Des forces importantes sont massées à son pied. En apercevant les deux navires, les lunaires se précipitent au combat. Énéric et sa troupe chargent à leur rencontre. Le choc est violent et brutal. Les forces ennemies sont nombreuses et lourdement armées. Le petit groupe de guerriers menace d'être débordé. À cet instant, les marins de Dormal fondent depuis le ciel sur les soldats lunaires. Ceux-ci s'éparpillent devant la proue du navire qui menace de les embrocher. Les rangs sont rompus et les cavaliers s'engouffrent à la suite du bateau au milieu des soldats dispersés. Ils embrochent au passage tous ceux qui osent s'interposer. Au pied de la tour, une voix forte et autoritaire exhorte les troupes à se ressaisir. Le commandant de la garnison est vêtu d'une armure d'argent frappée du sceau de Jar Eel. C'est un homme grand et mince, au regard acéré. Ses gestes calculés dévoilent une force puissante et la tranquille assurance d'un guerrier. Il bondit sur son cheval et rassemble une partie de ses troupes autour de lui. Disposant ses hommes devant la base de la tour, il s'apprête à affronter la charge désordonnée des barbares qui foncent vers lui.

À cet instant, le Bateau-Lune atteint le sommet de la tour. Une unique fenêtre est percée dans les murs lisses de la forteresse. Aldharyk saute sur l'appui et jette un coup d'oeil à l'intérieur. Contrairement à son attente, la haute tour n'est pas plongée dans l'ombre. Une lumière multicolore tourbillonne dans la haute pièce,
éclairant les murs de tâches de couleur verte, rouge, bleue,
jaune, mauve, argentée. Il n'y a aucun étage et le regard du thane plonge jusqu'au sol. À mi-hauteur, deux cages rondes étranges sont retenues par de grandes chaînes ancrées dans les murs. Elles ont des barreaux d'argent et chacune renferme un prisonnier. L'un est un grand homme fier qui flotte doucement au centre de sa cage, les bras croisés sur la poitrine. Il a la peau bleue et une grande barbe broussailleuse aux multiples couleurs. Il porte une cape
étoilée sur les épaules et ses habits scintillent dans les éclats
de lumière qui parcourent la tour. Un fin cercle d'argent lui ceint la tête. L'autre prisonnier est une femme d'une beauté irréelle. Elle est assise dans sa cage et semble pensive. Ses longs cheveux aux éclats multicolores retombent gracieusement sur ses épaules et lui cachent en partie le visage. Sa peau est bleue
également et sa robe est recouverte de poussière d'étoile. Un
gracieux fil d'argent repose délicatement sur son front. La lumière étrange qui règne dans la tour ne semble provenir d'aucune source mais rayonne autour des deux prisonniers.

Aldharyk appelle son Umbroli qui vient s'enrouler autour de lui et le soulève dans les airs. Sa cape claque derrière lui et il s'engouffre par la fenêtre. De son côté, Calliope grimpe sur le scarabée géant de Graak et s'accroche aux élytres. Le trollinien fait décoller la bête avec un petit cri aigu. L'insecte pénètre dans la tour en vrombissant et plonge vers les deux cages suspendues. Le thane est le premier à atteindre les prisonniers. Il ne voit aucune serrure ou attache sur les cages. Celles-ci semblent faites d'un seul tenant. Levant son épée, il l'abat de toutes ses forces contre les barreaux mais la lame ricoche avec un tintement métallique sans même laisser d'entaille.

Au même instant, des hommes au crane rasé, habillés de longues robes pourpres, entrent brusquement dans la tour, attirés par les coups d'épée et par l'arrivée soudaine du Bateau-Lune contre leur repaire. Apercevant Aldharyk et Calliope dans les airs près des cages, ils lèvent les bras et esquissent les gestes sacrés qui invoquent leur déesse changeante. La tour se met à vibrer et à résonner comme la flute d'un immense géant. Un son discordant emplit l'air et se répercute sur les murs de pierre, s'amplifiant de ses multiples échos. Ce sifflement strident déséquilibre Aldharyk et affole le scarabée portant Calliope. Les deux héros chutent dans le vide, atterrissant lourdement sur le sol de terre. Une lumière argentée jaillit des bouches et des yeux des prêtres de la Lune et inonde la pièce. Aldharyk et Calliope sont aveuglés par son éclat. La folle musique discordante se presse autour d'eux, s'insinuant lentement dans leur esprit.

Dehors, la bataille fait rage. La charge des Pentiens se brise sur le mur des boucliers scintillants des guerriers lunaires sans parvenir à le percer. Le commandant hurle des ordres et les soldats font un irrépressible pas en avant qui repousse leurs ennemis. Une nouvelle fois, leur chef donne le signal et la rangée progresse d'un deuxième pas, puis d'un troisième, et encore un de plus. Les nomades ne peuvent rien faire contre l'avancée implacable de la ligne des soldats. La terrible magie militaire déployée contre eux les repousse progressivement. Les flèches des cavaliers n'atteignent plus leurs cibles. Les hommes reculent, effrayés et incertains. Ils ont l'impression d'affronter non plus des hommes de chair mais un rempart de métal. Au-dessus de la mêlée, les Darjiiniens font pleuvoir pierres et flèches, sans plus de succès. Le commandant lunaire se tient droit et impassible, derrière ses troupes, tel une forteresse inébranlable sur une plaine déserte.

Cherchant à briser la magie des fantassins lunaires, Énéric presse les flancs de Morigain. Le grand étalon bondit par dessus la ligne ordonnée des soldats. Hurlant de rage, le cavalier se rue sur le commandant, l'épée levée. Ce dernier réagit immédiatement. Il fait un geste vif et Morigain se fige brutalement, comme paralysé. Déséquilibré et emporté par son élan, Énéric culbute par dessus l'encolure de son fidèle compagnon. N'attendant que cet instant, le commandant bondit sur son ennemi. Le cavalier roule dans la poussière. D'un coup d'épaule, il parvient à dévier sa trajectoire et évite de justesse la lance du lunaire qui se fiche dans le sol. Il tente de se relever, mais son adversaire est déjà sur lui. Dans un geste désespéré pour lui échapper, Énéric plonge sous les sabots de Morigain. Il espère ainsi mettre un obstacle entre son ennemi et lui, mais le commandant est d'une vitesse stupéfiante. En l'espace de quelques battements de coeur, ce dernier contourne l'étalon et le cavalier vient rouler à ses pieds. La grosse botte de cuir du lunaire se plaque sur la gorge d'Énéric et l'immobilise. Avant que le cavalier n'ait pu réagir, la pointe argentée de la lance du commandant vient se poser sur sa poitrine. Énéric étouffe à moitié et n'ose faire un geste. Son ennemi hurle au-dessus du vacarme de la mêlée que si les barbares ne se rendent pas immédiatement, leur chef va périr. Les Pentiens hésitent, désorientés. Qu'est-il arrivé à leur imbattable Djagataï ? Les combattants se figent, la poussière rouge retombe. Au même moment, une vague de lumière bleue balaye le champ de bataille et le sol change de couleur sous leurs pieds.

Dans la tour, Aldharyk et Calliope sont toujours assaillis par la lumière argentée et la musique discordante des prêtres lunaires. Le thane plante Sentence en terre et se redresse péniblement en récitant les Sept Actes Sacrés d'Orlanth. La magie lunaire hurle et siffle autour de lui, mais l'air qui l'environne est maintenant pur et propre. Sa cape claque au vent et ses cheveux s'emplissent d'éclairs. À ses côtés, Lynkha étend sa main subtile sur Calliope et cette dernière sent la folie lunaire qui passe comme une brise autour d'elle, sans avoir prise sur son esprit. Les deux héros ont triomphé de l'assaut magique, mais les poignards recourbés des prêtres présentent un danger tout aussi immédiat. Alors que leurs adversaires se rapprochent lentement en les encerclant, une vague de lumière bleue envahit soudainement la tour.

À l'extérieur, le commandant lunaire s'apprête à mettre sa menace à exécution. ``Je ne le répéterai pas. Jetez tous immédiatement vos armes, où je tue votre chef sur l'heure !'' La pression de la lance se resserre sur la poitrine d'Énéric, mais le chef des lunaires n'a pas le temps d'achever son geste. Avec un sifflement sec, deux flèches semblant jaillir de nulle part viennent se planter dans chacun de ses yeux. L'homme reste un instant figé, debout, au-dessus de son adversaire, puis bascule lentement en arrière. Il s'écroule au sol dans un fracas de métal. Au loin, sur la plaine devenue bleue, courant aux côtés d'un ours gigantesque, Hybban pousse un cri de victoire et referme le Carquois des Mille Flèches.

Dans la tour, l'atmosphère est rapidement baignée dans l'étrange lumière bleue. Celle-ci s'élève peu à peu le long des murs en tourbillonnant. La magie lunaire s'interrompt brutalement. Les prêtres regardent autour d'eux d'un air effaré. Ils ne comprennent pas encore que l'étoile ne leur appartient plus. Brandissant Sentence, Aldharyk fonce sur ses adversaires décontenancés. Sentant que leur déesse les a abandonnés, les prêtres fuient hors de la tour, le grand Orlanthi barbu à leurs trousses. Calliope reste seule. Levant la tête, elle se rend compte que les chaînes et les cages sont en train de se désagréger. Tandis que les barreaux métalliques disparaissent, les deux silhouettes restent suspendues dans les airs. Elles tournent lentement leurs yeux insondables vers la vieille philosophe.

Dehors, les prêtres se heurtent à la rangée des fantassins qui reculent. Ils sont pris entre le mur de la tour, Aldharyk maniant Sentence et les Pentiens qui réclament vengeance. Impuissants alors que leur magie les a désertés, les lunaires sont massacrés par les nomades, les Darjiniens, les marins de Dormal et les sorciers malkionis. Hybban rejoint ses amis tandis qu'Ertélénari continue sa route tel un immense nuage bleu, changeant la nature de l'étoile sous ses pas divins. Le chasseur porte son arc à son front en regardant s'éloigner la déesse ourse et jure de lui offrir un sacrifice.

Le Bateau-Lune se pose doucement au bas de la tour et le petit enfant bleu s'échappe des bras de Leena Seela pour bondir au sol. Il se précipite dans la tour devenue bleue en criant ``Papa ! Maman !'' Les deux êtres étranges flottent doucement jusqu'au sol et la femme prend le jeune garçon dans ses bras en lui murmurant des paroles réconfortantes. L'homme se tourne vers ceux qui l'ont délivré et les salue dignement. ``Qui que vous soyez, nous vous remercions de nous avoir libéré de cette prison maudite, et d'avoir sauvé notre enfant. Je suis le roi Météore et voici ma femme, la reine Étoile-Filante. Nous faisons partie du Peuple Arpenteur des Étoiles. Les adorateurs de la Grande Lune Rouge ont commis un terrible crime en arrachant cette étoile au Dôme Céleste. Maintenant que nous sommes libres, nous allons pouvoir la reconduire à sa place dans les cieux et retrouver les nôtres.''

Le roi se tourne vers sa femme et lui tend la main. Celle-ci l'attrape sans lâcher l'enfant. Un tourbillon de lumière multicolore les enveloppe un instant. Sous leurs pieds, les héros sentent la terre qui répond à l'appel des deux souverains. Dans le ciel, l'étoile vient de stopper sa course infernale. Doucement, elle reprend le chemin du Dôme Céleste pour retrouver sa place sur les rives du grand fleuve.

Le roi et la reine se tournent à nouveau vers leurs sauveteurs et leur demandent ce qu'ils peuvent faire pour les remercier. Aldharyk et Fédarkos s'avancent et expliquent qu'ils cherchent à se rendre sur la lune pour libérer leur dieu qui y est enfermé. Hélas, le pouvoir des Arpenteurs des Étoiles ne s'étend pas jusqu'à l'astre maudit, mais ils peuvent leur enseigner le chemin qui conduit à ses portes. Calliope s'avance à son tour et demande aux deux souverains si elle peut garder un souvenir de leur rencontre. Le roi Météore lui laisse alors quelques poils de sa barbe scintillante et la reine Étoile-Filante une mèche de ses cheveux miroitants.

Les marins de Dormal racontent aux héros une partie de leur voyage. Ils ont suivi le Courant Autour du Monde. Ils ont traversé l'Océan de Lumière, la Pluie Scintillante et le Mur Stellaire. Ils ont découvert bien des mondes nouveaux, le long de la rivière céleste. Le bateau de Dormal n'est plus vraiment celui qu'il était à l'origine. Il a maintes fois été modifié pour pouvoir naviguer sur les courants étoilés. En chemin, ils ont rencontré de nombreux peuples qui ont complété l'équipage. Ce n'est pas la première fois que leur route croise celle des Arpenteurs des Étoiles. Le pays et les cités de ces derniers sont les planètes et les étoiles qui brillent sur la voûte du Dôme Céleste. Les légendes du ciel parlent même de la Planète Bateau qui porterait à travers les cieux les trésors de tous les peuples des étoiles.

L'étoile d'Ertélénari a maintenant retrouvé sa place dans le ciel. Le roi et la reine vont rejoindre leur peuple. Prenant congé des deux souverains, les héros embarquent à bord du Bateau-Lune. Dormal et son navire vont les guider jusque sur la lune, en suivant les indications stellaires du roi Météore, mais il ne pourra les accompagner au-delà car son pouvoir ne s'étend pas dans cet endroit maudit.

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